Histoire et Géographie

L’Histoire : 1793 Vivre sous la Terreur

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Les articles :

Simonin, Anne, « Le gouvernement des 500 jours », dans L’Histoire, no 512, octobre 2023, p. 30-43.

De Gavriloff, Domitille, « En Guadeloupe, les esclaves libérés ! », dans L’Histoire, no 512, octobre 2023, p. 52-53.

Les auteurs :

Anne Simonin est directrice de recherche au CNRS et travaille sur la citoyenneté républicaine et démocratique en privilégiant la Révolution française.

Domitille de Gavriloff est doctorante à l’EHESS et travaille sur les pratiques et les discours missionnaires relatifs à l’esclavage dans les Antilles.

Résumé : L’article d’Anne Simonin revient sur les institutions de la période dite de la « Terreur », tout en s’intéressant aux origines de ce chrononyme, notamment le discours de Billaud-Varenne (18 novembre 1793) : « quand la marche de la révolution force le législateur à mettre la terreur à l’ordre du jour, c’est pour venger la nation de ses ennemis ». L’autrice rappelle en effet que la toute nouvelle République parait fragile en 1793, que ce soit en raison des progrès des Britanniques (à Toulon) ou des Autrichiens (qui tentent de rétablir l’Ancien Régime dans le nord de la France), sans compter les révoltes intérieures (Vendée).

Dans ce contexte, les institutions politiques s’adaptent et évoluent. Saint-Just considère que la France est en « état de siège » et propose – pour éviter une « dictature » suggérée par Marat sur le modèle du droit romain – la mise en place d’un gouvernement provisoire révolutionnaire jusqu’au rétablissement de la paix. Ce gouvernement est fondé sur le principe de la « centralité législative » : la nouvelle Assemblée, connue sous le nom de Convention, détient le pouvoir législatif mais aussi judiciaire (elle nomme par exemple les jurés du Tribunal révolutionnaire), et elle exerce également un pouvoir exécutif par l’intermédiaire du Comité de sûreté générale et, surtout, du Comité de salut public. Ce dernier est constitué de douze membres, réunis au pavillon de Flore, au jardin des Tuileries. Robespierre n’y est en charge d’aucun domaine en particulier mais il en est le président de fait, même s’il doit y affronter de nombreuses oppositions, les séances étant tendues.

Le 10 août 1793, une Constitution (rédigée par Hérault de Séchelles, l’un des membres du Comité de salut public, guillotiné le 5 avril 1793 avec Danton) est adoptée lors du premier référendum – masculin – jamais organisé. Toutefois, l’officialisation de cette « Constitution de l’an I » est suspendue par le gouvernement provisoire et le texte ne sera jamais appliqué, remplacé par la Constitution de 1795 adoptée après la chute de Robespierre (27 juillet 1794).

Le chrononyme de la « Terreur » est en grande partie dû à la « loi des Suspects » (17 septembre 1793) et au décret de mise « hors de la loi » (19 mars 1793) qui permettent une « justice d’urgence » (jugements sous 24 heures, sans possibilité d’appel ou de recours). Anne Simonin explique que le Tribunal révolutionnaire est bien connu – et fascine – car ses archives ont été bien conservées (au contraire des archives d’autres juridictions disparues lors de la Commune de Paris, en 1871). Relativement clément à ses débuts, le Tribunal révolutionnaire devient plus sévère lorsque les victoires françaises se multiplient : le gouvernement s’inquiète en effet du risque d’une dictature militaire. L’historien Donald Greer estime à 40 000 le nombre de victimes de la Terreur, que ce soit par la « Terreur légale » (condamnés à mort par les tribunaux) ou par la « Terreur sauvage » (exécutions sommaires, notamment en Vendée).

Le gouvernement provisoire ne se consacre pas qu’à la répression des « suspects » (émigrés et leurs familles, prêtres réfractaires, et tous les Français qui refusent de montrer publiquement leur attachement à la République), il cherche aussi à accélérer la mise en œuvre des réformes révolutionnaires : instruction publique, gratuite et obligatoire, secours publics (qui deviendront l’assistance publique), égalité des successions ou, surtout, l’abolition de l’esclavage.

Un second article, de Domitille de Gavriloff, porte sur l’abolition de l’esclavage en Guadeloupe. Le décret d’abolition est voté à la Convention le 4 février 1794 (l’esclavage étant qualifié de « crime de lèse-humanité »). Le 3 juin 1794, Victor Hugues – ancien accusateur public du Tribunal révolutionnaire de Rochefort (Charente-Maritime) – débarque sur la plage des Salines, au Gosier, afin de faire appliquer ce décret dans la colonie mais, à ce moment, la Guadeloupe et la Martinique sont occupées par les Britanniques, aidés par des planteurs français royalistes. Enrôlant des nouveaux libres dans son armée, Victor Hugues parvient à reprendre le contrôle de la Guadeloupe à la fin de l’année 1794 : les soldats britanniques capturés sont libérés mais les Français qui sont pris à leurs côtés sont exécutés comme « traitres à la patrie ».

Tandis qu’à Paris le coup d’État du 9 Thermidor met fin au pouvoir de Robespierre (guillotiné le lendemain), Victor Hugues met en place la Terreur politique en Guadeloupe. La guillotine est installée sur la place Sartine (renommée place de la Victoire) à Pointe-à-Pitre, les suspects (planteurs royalistes, aristocrates, membres du clergé…) sont dénoncés et exécutés, le calendrier révolutionnaire est imposé, des communes sont rebaptisées (Sainte-Rose est renommée « Tricolore », Pointe-à-Pitre devient « Port-de-la-Liberté »)… Les 90 000 esclavisés de l’île sont libérés mais, en réalité, ceux qui ne s’engagent pas dans les troupes du « Robespierre des Antilles » sont contraints au travail forcé sur les plantations. Victor Hugues veut restaurer l’économie de plantation et le refus de travail est érigé en acte contre-révolutionnaire. Accusé de despotisme en 1798, Victor Hugues est rappelé à Paris par le Directoire. En 1802, il est chargé de rétablir l’esclavage en Guyane.

Intérêt pédagogique :

- 4ème – Thème 1 : Le xviiie siècle, Expansions, Lumières et révolutions (Chapitre 3 – La Révolution française et l’Empire : un nouvel ordre politique et société révolutionnée en France et en Europe) – Adaptation des programmes.

- 1ère – Thème 1 : L’Europe face aux révolutions (Chapitre 1 – La Révolution française et l’Empire : une nouvelle conception de la nation) – Adaptation des programmes.

Article de Kevin Porcher

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