Histoire et Géographie

L’Atlas électronique de la Caraïbe, un médium pour la connaître et la comprendre.

 

 

 

Les 12 et 13 novembre 2013, l’AREC (1) a organisé une conférence qui a permis de faire un bilan provisoire des travaux qui ont conduit à la réalisation de cet atlas. De nombreux représentants des DFA et de plusieurs territoires de la grande région comptaient parmi les invités. M. l’Inspecteur général, Laurent CARROUE (2) , en faisait partie, il représentait le MEN en tant que chargé du développement des TICE dans l’enseignement de nos disciplines.

Des exposés brillants ont fait apparaitre certaines réalités  de la construction d’une Caraïbe en « émergence ». Ils ont aussi mis en perspective le parcours qui reste à accomplir pour mettre en mots et en réseaux une Caraïbe comme objet spatial, politique, culturel et économique à penser. L’Atlas est la preuve que l’on peut mettre en synergie discours et pratiques pour mieux « connaître et comprendre » (3) l’organisation et les enjeux de ce territoire miroir de cette « méditerranée » éclatée.  Fort heureusement, cet outil cartographique, à la fois vecteur de connaissances et de réflexion, est un pas de géant vers une identité Caraïbe, singulière et multiple.

Le projet RICAe (4) a débouché sur la réalisation d’un atlas électronique, unique en son genre

Sa forme et sa conception

C’est une version interactive disponible en ligne (5), c’est un atlas que l’on peut « feuilleter » à distance en même temps que d’autres internautes partout sur la planète. Sa grande particularité, sont les cartes qui donnent à voir, à travers ses territoires, les similitudes, les différenciations et les dynamiques de cette Caraïbe forcément en mouvement. Ce n’est pas pour autant un SIG et sa conception est volontairement sobre, techniquement, pour être plus efficace.

Il est accessible à tous, sans contrepartie financière, les droits sont libres, si ce n’est naturellement  la nécessité de citer ses sources pour respecter la propriété intellectuelle de ses auteurs. Il est d’une navigation aisée et est muni d’un moteur de recherche performant avec de multiples critères, avec des documents liés à d’autres se référant au même thème.

Il est trilingue (français, anglais, espagnol),  avec des rubriques regroupant des articles variés de nature à saisir l’essence de cette Caraïbe, sa complexité, aider à son développement sur des bases culturelles, politiques et économiques.

Ses enjeux et ses ambitions

En attendant peut-être une interface créole, il s’agit de permettre à un plus grand nombre de Caribéens et des individus d’ailleurs, de le consulter, d’y puiser des ressources et d’en produire de nouvelles.

Il est aussi de nature à encourager des initiatives de coopérations multiples, plus denses, profondes et durables.

De nombreuses problématiques sont communes à cette région du monde en particulier celle liée au développement durable. Il s’agit en l’espèce de soutenir un développement de ces territoires aux échanges sur ce thème. En effet, le trafic illicite par exemple, ne doit pas être l’activité pilote d’une contribution de la zone Caraïbe à une mondialisation en cours, active et en mouvement.

 

Les partenaires du projet, des passionnés et des rencontres heureuses

Ses initiateurs scientifiques

L’AREC est à l’origine un groupe informel très réduit de passionnés de géographie originaires, vivant, séduits par la Caraïbe ou ayant produit du savoir relatif à un ou plusieurs territoires de la zone. La nécessité de se constituer en association a eu pour but de donner une existence légale à l’affaire afin d’être un interlocuteur plus institutionnel. Monique BEGOT, IA-IPR honoraire d’histoire et de géographie, géographe elle-même, a porté dès les débuts les activités de l’association en étant d’ailleurs son premier président.  Actuellement, ce groupe est beaucoup plus étoffé avec notamment des membres éminents issus de nos disciplines.

La contribution du le laboratoire de recherche de l’Université de Caen  fut aussi essentielle, dès le départ, il a œuvré et a donné un gage scientifique au projet, incarné par Pascal BULEON.  Avant même la réalisation de l’atlas électronique dont il est question dans cette présente note, il a permis avec son équipe l’édition d’une version papier, en 2001 (6)de ce travail collectif. Une nouvelle édition revue corrigée vient de paraître, en 2013, cette fois-ci dans les deux langues les plus parlées dans la Caraïbe, l’espagnol et l’anglais, en plus du français.

Le centre culturel Léon (7) de Santo Domingo, une fondation culturelle privée, a permis de multiples échanges de connaissances et de pratiques portant sur la Caraïbe. Des séminaires d’échanges ont eu lieu avec l’AREC ces dernières années afin de tisser des lieux humains et cognitives réciproques à partager. Ce centre a des archives et un fonds documentaire en liens avec la zone d’une grande richesse.

 

Ses acteurs institutionnels forment un premier maillage opérationnel

Le Président de conseil régional de l’époque, M. MARIE-JEANNE, qui avait engagé financièrement mais aussi idéologiquement la Région Martinique  dans cette aventure. En tant que « Caribéen convaincu » comme il s’est plu à dire lors de cette conférence, il a insisté sur la suite à donner à cette fructueuse aventure dans un discours teinté de provocation bienveillante. Il a souhaité vivement que l’on s’appuie sur cet outil pour arriver à une coopération véritable, assumée, de nature à impulser un développement endogène de la zone.

Le programme RICAe, qui a donné vie à l’atlas électronique, a été financé par INTERREG Caraïbes. Ce partenaire fut essentiel même si d’autres financements comme ceux de l’Etat ont été obtenus  à travers l’AFD (8)  ou les fonds de coopération régionale de la Préfecture.

 

 

Les perspectives : s’ouvrir à d’autres acteurs, partenaires et paradigmes

Un appel à contributions a été lancé pour enrichir cet Atlas à la communauté universitaire, aux formateurs, aux enseignants, aux associations, aux étudiants et à des publics avertis intéressés par la problématique des « Caraïbes.  

L’outil devrait se prolonger par des traductions pédagogiques de ses contenus. Des propositions de séquences sont déjà disponibles mais elles sont balbutiantes. « Enseigner la Caraïbe » devrait permettre la conception de  séquences bi voire tri-disciplinaires dans le cadre d’un curriculum revisité. Il consisterait à décloisonner les disciplines, varier les approches, les dimensionner à une échelle suffisante qui autorise la perception des enjeux. Il s’agirait aussi d’approprier une démarche qui soit, dès le début, le résultat d’une conception, d’une élaboration, d’une production et d’une mise en œuvre bi ou tripartite (français, anglais, espagnol voire créole). Le thème « Caraïbe » en tant qu’objet d’étude, de recherche et d’enseignement s’y prête pour non seulement contextualiser nos transmissions de savoirs et les rendre plus attractives et plus dynamiques mais aussi pour contribuer à la pensée universelle.

 

Impressions et autres regards sur la conférence

 

 Les limites spatiales de cet ensemble caribéen sont certes définies mais les jeux d’échelle font partie des grilles de lecture à saisir car ils rendent compte d’une certaine complexité. Des dynamiques spatiales sont à l’œuvre, il y a des coopérations anciennes, des récentes, des recompositions en cours en raison des effets de la mondialité et des stratégies géopolitiques dans la grande région. L’exposé des différents conférenciers a bien montré que les DFA sont une porte d’entrée pour la diplomatie française dans l’Amérique latine.

Quelle Caraïbe est à construire ? Celle qui serait à la recherche d’une identité commune, complexe à considérer même si c’est séduisant intellectuellement. Celle d’une communauté de destin, mais laquelle ? Celle d’une Caraïbe de coopération d’ensemble ou plutôt bilatérale, plurilatérale, pour commencer ? Pour cela, les acteurs politiques, décideurs ont les leviers les plus efficaces, ils doivent par leur ambition à long terme impulser cette dynamique par des actions fortes et pérennes.

Cette Caraïbe, grâce à l’Atlas notamment, gagne à être mieux perçue, connue et pratiquée par les peuples mêmes qui la constituent. Les convergences tout comme les particularités doivent être diagnostiquées et assimilées pour éviter des malentendus (9) . Un projet caribéen reste encore à peaufiner sur les bases de l’Atlas électronique, un outil salué par tous. Ce dernier doit être le prétexte d’un engagement et une rampe d’accès à une connaissance plus approfondie.

Jean-Pierre BELLANGER

 

 

 


(1) Association de recherche et d’études de la Caraïbe

(2) Président du CAPES externe d’histoire-géographie, renommé pour ses publications en géographie économique et singulièrement celles portant sur le thème de la mondialisation

(3) Objectifs affichés et fil conducteur de la conférence

(4) Recherche et Intégration de la Caraïbe par le biais de l'atlas électronique

(5) http://atlas-caraibe.certic.unicaen.fr/

(6) BEGOT Monique, BULEON Pascal, ROTH Patrice, (2001), Emergences Caraïbes, une géographie politique,  Paris, AREC/L’Harmattan

(7) http://atlas-caribe.centroleon.org.do/es/

(8) Agence française de développement

(9)  Article de France-Antilles Martinique du 13/11/2013 à propos de la conférence. Le titre affiché du reporter allait à l’encontre du processus prôné par les protagonistes du projet RICAe.

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