Emission : 19 avril 2024
Invités : Steve Bourget, archéologue et responsable de la collection Amériques au Musée du quai Branly, commissaire associé à l’exposition Mexica, des dons et des dieux au temple Mayor.
Anath Ariel de Vidas, anthropologue et directrice de recherches au CNRS, directrice adjointe du laboratoire Mondes américains.
Résumé : Le templo Mayor était une pyramide à paliers, haute de 45 mètres, dominant un vaste ensemble de bâtiments, situé au cœur d’une enceinte rituelle de 800 mètres. Les vestiges fouillés ne révèlent qu’une toute petite partie de cet ensemble. Ils étaient cachés sous la cathédrale de Mexico ainsi que sous la Place centrale et le Palais national. Pour Steve Bourget, ce n’est pas un hasard si les emplacements du palais et celui de l’église coïncident avec ceux des vestiges préhispaniques. Cela souligne au contraire l’intention des Espagnols de remplacer, après la conquête, cette civilisation par la leur. Ainsi, les pierres du temple ont été réutilisées pour construire la cathédrale. La découverte d’offrandes confirme que les ouvriers qui l’ont construite appartenaient bien à la civilisation mexica.
Si ce terme Mexica est à privilégier aujourd’hui, c’est qu’il est ethnonyme du peuple amérindien installé dans cette région. Aztèque est un terme inventé au XIXème siècle, qui se réfère à un lieu « mytho historique », Aztlan, une île située au milieu d’un lac. A une époque en effet, Mexico était située sur une île, au milieu d’un lac qui depuis a été asséché. Lorsque les Mexicas s’y implantent autour du XIIIème, ce lac est bordé d’une douzaine de cités états. Ils s’installent donc dans une région déjà occupée et vont la transformer. D’où venaient-ils ? Certains mythes évoquent des déplacements à partir du Nord. Les emblèmes représentés sur le drapeau mexicain sont d’ailleurs empruntés à cette mythologie. Les Mexicas auraient choisi le site où « un aigle perché sur un cactus était en train de manger un serpent ».
Les vestiges du templo Mayor permettent de changer de regard sur les pratiques sacrificielles, longtemps jugées à travers le regard des conquérants. Offrandes et sacrifices permettaient d’assurer l’équilibre du monde pour les Mexicas. Ils reflètent leur manière de concevoir le monde : les humains « nourrissaient » les « gardiens de la terre » pour leur donner l’énergie de faire la pluie et avoir de bonnes récoltes. Le bestiaire exposé au Musée du quai Branly (plus de 700 animaux qui ont été déposés comme offrandes) a aussi pour intention de montrer l’étendue et la puissance de l’empire des Mexicas. Ces offrandes proviennent non seulement de la terre mais aussi de l’Océan Pacifique. Ainsi, on trouve des oursins qui n‘étaient pas consommés par la population. Les animaux venaient de tout l’empire et étaient nourris avant d’être sacrifiés.
Les Mexicas portaient aussi un intérêt particulier au calendrier. Le Codex Borbonicus n’indique pas seulement des dates mais aussi les tributs ; il révèle des connaissances très étendues en astronomie, beaucoup plus avancées qu’en Europe à la même époque. Très peu de documents de ce type ont survécu à la conquête mais il y en existait sans doute des centaines, voire des milliers.
Le choc microbien (en particulier la variole) a décimé les Mexicas. Aujourd’hui, leur langue (nahua) est encore parlée par le groupe autochtone majoritaire, estimé à 1,6 millions de personnes. Anath Ariel de Vidas s’est intéressée à leur façon de voir le monde et constate qu’après 500 ans d’évangélisation, les divinités du passé n’ont pas été oubliées et ont parfois été associées à des patrons catholiques. Les populations actuelles font des offrandes aux mêmes entités que leurs ancêtres, tout en se reconnaissant comme catholiques. Des métissages se sont ainsi opérés entre les différents horizons religieux des Mexicas.
Intérêt pédagogique
5e
Thème 3 - Transformations de l’Europe et ouverture sur le monde aux XVIe et XVIIe siècles
Chapitre 1 : Le monde au temps de Charles Quint et Soliman le Magnifique
Seconde
Thème 2 : XVE – XVIE SIÈCLES : un nouveau rapport au monde, un temps de mutation intellectuelle
Chapitre 1 : L’ouverture atlantique, les conséquences de la découverte du « Nouveau Monde ».
Article de Cécile Borghino
Histoire et Géographie