Philippe FONTAINE, Professeur émérite à l'Université de Rouen
Résumé : L’importance de la question de l’interprétation se mesure à ce qu’elle est aussi vieille que la philosophie elle-même, puisque certains dialogues platoniciens y sont déjà consacrés (Phèdre, Ion, Protagoras, Sophiste), ainsi que quelques traités aristotéliciens, tel le second Traité de l’Organon, Peri Hermêneias, de l’Interprétation. Pour autant, l’interrogation sur ses conditions de possibilité et sa pratique devient centrale à l’époque moderne, notamment depuis le XIX ème siècle, où elle reprend le nom plus ancien d’ « herméneutique », et connaît une extension et un élargissement considérables, à partir d’une réflexion d’abord centrée sur les règles d’interprétation des Ecritures saintes. L’essor des sciences historiques au XIX ème siècle engendre une réflexion sur la possibilité éventuelle d’une adaptation de ces règles à la compréhension de toute espèce de discours et d’écrit. On assiste alors à l’apparition d’une herméneutique générale reposant sur un concept élargi de l’exégèse, considérée comme l’interprétation d’un texte particulier, mais aussi de tout ensemble de signes susceptible d’être considéré comme un texte. Dans ce sens plus large, qui n’est plus lié aux textes sacrés, l’interprétation a toujours un rapport avec le dévoilement d’un sens caché. On comprend ainsi que la question de l’interprétation connaisse au XX ème siècle un nouvel essor, et se retrouve au centre des théories philosophiques propres à ceux que l’on a appelés les « maîtres du soupçon », comme Nietzsche et Freud, mais aussi dans la philosophie d’inspiration heideggerienne, et chez certains penseurs comme H. G. Gadamer, ou encore Paul Ricoeur.
Cette généralisation du concept d’interprétation n’est pas sans soulever quelques questions sur le risque d’une dérive interprétative, où une sorte de « mauvais infini » condamnerait l’interprète à superposer indéfiniment les couches explicitatives, sans jamais parvenir à saisir ultimement le sens dernier du phénomène examiné. Tel serait le risque assumé propre aux aspects d’ouverture et d’infinité de l’interprétation.
Première partie
Seconde partie : Vérité et Interprétation
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