Philosophie

Conférence sur le bonheur, par Jenner Bedminster

Lorsque l’on s’interroge sur le sens de la vie et sur ce qui rend valable l’existence entière, trois idées viennent spontanément à l’esprit : la moralité, la justice et le bonheur. Pourtant, des trois idées, il semble que c’est le bonheur qui est central, parce qu’il est la condition nécessaire et suffisante d’une vie réussie. En ce sens, on dit que le bonheur est un bien suprême, un Souverain Bien, car il est ce que vise tout homme, il est le désirable absolu : en effet, il ne viendrait à l’idée de personne de se demander « à quoi bon être heureux ? » Et en même temps, il est ce que l’on vise pour luimême, il vaut par soi seul. Ainsi, je ne veux pas être heureux pour autre chose que pour le bonheur lui-même. Bref, c’est un bien indépassable, un bien ultime. Néanmoins, si l’on demande ce qu’est le bonheur et comment l’atteindre, les difficultés se précisent. En effet, bien que nous ayons tous une idée vague du bonheur, lorsque l’on nous demande d’en définir le contenu, les mots semblent manquer, ou bien alors, personne ne s’accorde sur le contenu. Les hommes, qui s’accordent si bien sur le mot, ne s’entendent pas sur la chose : en effet, tous appellent « bonheur » ce qu’ils désirent absolument, mais tous ne désirent pas les mêmes choses…. Le langage commun décide alors, par convention, de fixer une définition, en même temps qu’une voie d’accès au bonheur : on s’imagine alors le bonheur comme une sorte de plaisir ou, plus précisément, comme un état de complète satisfaction, différent du plaisir seulement par la durée et par l’intensité. Tout notre être y trouverait un contentement sans reste. Inséparable de cette définition se dessine un art de vivre, sensé nous conduire au bonheur : pour être heureux, il faudrait maximiser le plaisir, l’intensifier, le prolonger et, bien sûr, éviter les douleurs. Néanmoins, l’identification du bonheur au plaisir est problématique, tout simplement parce que nous pouvons éprouver du plaisir sans être heureux. Il en va ainsi des plaisirs de table. Une vie remplie de plaisirs de table n’est pas, pour autant, une vie réussie. Il faut bien que le bonheur soit autre. Et il n’est pas non plus la somme de tous les plaisirs, car à ce compte-là, une seule vie n’y suffirait pas. Si nous considérons ces difficultés, il apparaît clairement que le bonheur n’est rien d’évident, alors que le malheur a l’évidence pour lui. Il semble même y avoir sur ce point une asymétrie entre le bonheur et le malheur. Il y aurait, en effet, une sorte d’évidence du mal pour une une non-évidence du bonheur. La preuve, c’est que face à la souffrance, nous ressentons comme une sorte d’injonction morale ; or, il ne semble pas y avoir une injonction morale à contenter quelqu’un, à faire son bonheur. Si ceci est vrai, alors seul le malheur est possible, et le bonheur dont nous parlons n’est qu’une illusion, un leurre ou une production de l’imagination… à moins que plaisir et bonheur ne soient distincts, mais essentiellement inséparables. D’où ces quelques interrogations : le bonheur est-il identique au plaisir ? Le bonheur n’est-il qu’une illusion ?   La suite de l'intervention en pièce jointe
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