Démarche d'apprentissage

Démarche d'apprentissage

TROIS CONCEPTIONS DE L'APPRENTISSAGE

Introduction

Une situation d'apprentissage met en présence au moins trois éléments :

Cette représentation classique est très incomplète, il est nécessaire de prendre en compte les rapports noués par chacun de ces pôles aux institutions.

1 - Les rapports de l'élève sur l'école ou mobilisation de l'élève sur l'école

Quel est le rôle de l'école ?

Le rôle de l'école a fortement évolué dans le temps, on considère généralement trois périodes correspondant à trois missions particulières de l'Etat.

1.1 - L'Etat éducateur

On date habituellement le début de l'Etat éducateur en 1762 lorsque le Parlement de Paris ferme les écoles jésuites. Cette période s'étend jusqu'à la fin des années 50.

La fonction première de l'école est celle de l'intégration sociale et nationale. L'école a alors pour mission première d'instaurer la nation à travers une langue, une histoire, une culture morale et sociale commune.

L'usager est un administré soumis à l'institution.

1,2 - L'Etat développeur et formateur

De la fin des années 50 au début des années 80.

La croissance économique de l'après-guerre s'accompagne d'une explosion scolaire. L'état passe alors d'une logique politico-culturelle de l'intégration sociale à une logique de l'insertion économique où les diplômes jouent un rôle important dans l'évolution sociale de ceux qui les détiennent.

C'est au cours de cette période que la réforme BERTHOIN (1959) prolonge la scolarité jusqu'à 16 ans par nécessité économique.

L'Etat est organisé en prestataire de service et l'usager un consommateur d'école.

1.3 - L'Etat régulateur et facilitateur

On situe ce changement à partir de 1984.

La reprise économique se fait attendre, le chômage continue inexorablement de croître et l'Etat se trouve confronté à des problèmes financiers pour continuer de jouer son rôle de "développeur". L'Etat ne peut plus promettre l'insertion économique, il se tourne alors vers l'élève en le mettant "au centre du système éducatif" (Loi d'orientation de juillet 1989). Plus subtilement cela signifie que l'école doit doter l'individu des compétences nécessaires pour maîtriser son avenir, construire son insertion sociale et professionnelle c'est-à-dire en faire un citoyen actif et responsable. C'est à l'individu de transformer le service de l'Etat en bien éducatif. L'école est un lieu social où l'élève se construit en sujet autonome membre d'une collectivité. La connexion emploi-diplôme devient incertaine. Dans ces conditions, il est naturel d'assister à des refus d'école qui se traduisent par un absentéisme important, par la baisse du travail personnel et par un regain de la violence. De plus en plus les individus les plus âgés sont à la recherche d'activités rémunérées exercées parallèlement à leurs études.

Si l'élève attribue du sens à l'école : pour avoir un bon métier, pour satisfaire une demande familiale forte etc … alors cette mobilisation place l'élève sur le chemin de la réussite mais le pas vers le savoir et les compétences n'est pas automatiquement franchi pour diverses raisons dont notamment des pratiques pédagogiques inadaptées à son cas.

2 - Les rapports de l'élève à l'école ou mobilisation de l'élève à l'école

Travailler à l'école : implique pour certains que l'on "apprenne", pour d'autres que l'on comprenne

Deux processus de mobilisation à l'école

- travailler pour passer, résister aux copains qui déconnent, aimer le professeur et sa discipline. Apprendre et éventuellement comprendre ;

- travailler pour passer mais aussi pour savoir, pour comprendre parce qu'on s'intéresse à ce que l'on apprend. Cela implique que l'élève doit se sentir encouragé par de bonnes notes.

3 - Les rapports de l'élève aux savoirs

Pour B. CHARLOT, R. BKOUCHE, N. ROUCHE " Faire des mathématiques : le plaisir du sens " Ed. Armand Colin

" dans les classes populaires, le savoir est valorisé en tant qu'il permet de répondre à des questions utiles, de résoudre des problèmes qui ont un sens précis, d'améliorer des pratiques effectives : le savoir vaut en tant qu'instrument (…) Pour la bourgeoisie, au contraire, le savoir est valorisé en tant qu'il permet ce que Bourdieu appelle la distinction, c'est-à-dire en tant qu'il me place au-dessus des autres : le savoir vaut en tant que signe social. Dès lors, il ne suffit pas de savoir, il faut savoir plus, mieux et autrement que les autres, et surtout il faut montrer que l'on sait."

4 - Les rapports de l'enseignant aux savoirs scolaires

Quelle image l'enseignant a-t-il de sa discipline ? Quelle est son utilité sociale ?

 

I - Conception de la tête vide

On désire enseigner aux élèves une nouvelle notion, un concept, un savoir, généralement on suppose implicitement que :

- les élèves ne connaissent rien de ce que l'on veut leur enseigner ;

- les élèves ne s'en souviennent pas ou qu'ils ne savent pas l'utiliser correctement le savoir visé.

On suppose donc que l'on part d'une tête vide et l'on désire la "remplir".

Pour passer de la situation initiale à la situation finale, un seul moyen existe : la communication professeur ® élève. Cette communication, essentiellement orale, repose sur l'axiome : ce qui s'énonce clairement, se comprend aisément.

Dans cette conception, analysons les trois éléments d'une situation d'apprentissage :

Le professeur : il détient le savoir, c'est lui le référant, celui qui approuve, évalue, valide.

Son rôle est de créer des conditions d'apprentissages aussi parfaites que possibles:

- obtenir des élèves attentifs à un message le plus souvent oral ;

- avoir un langage le plus clair et le plus simple possible ;

- donner aux élèves des algorithmes de calcul, par exemple, qui ne sont en fait que des recettes ;

- faire un maximum d'exercices répétitifs employant ces algorithmes.

Le savoir : il est détenu par le professeur qui le déverse par couches successives sur la tête des élèves. Ce savoir est le plus souvent décontextualisé, les élèves se posent toujours la question de savoir à quoi il peut bien servir.

L'élève : Il reproduit ce que lui montre le professeur, il se comporte comme un perroquet.

Conséquences

Les erreurs ne sont que le signe de l'imperfection des élèves qui manquent d'attention, de docilité. Lorsqu'elles se produisent il faut les sanctionner et se garder de les exhiber de crainte que d'autres élèves les reproduisent.

- L'élève fonctionne comme un automath en appliquant des recettes sans en comprendre la raison. Il n'est pas, en général, capable d'utiliser ces recettes dans des situations différentes de celles de son apprentissage.

- L'élève est souvent incapable de transférer ses connaissances de mathématiques en physique par exemple.

- L'élève applique un certain nombre de règles plus ou moins implicites :

* produire le plus rapidement possible une solution pour le professeur qui lui dira si c'est juste ou faux.

* tout problème à une solution.

* toutes les données doivent être utilisées.

* la solution doit nécessairement faire intervenir la dernière notion étudiée.

- L'élève s'invente des "théorèmes" personnels : par exemple, 24 = 2x4.

- L'absence d'une performance attendue dans une tâche donnée est interprétée comme "il ne sait pas", "il n'a pas appris", "il n'a pas compris"," l confond tout", … L'absence d'une performance correspond à une absence de savoir.

La communication principalement orale possède des limites qui sont liées aux limites de la communication.

La communication et ses limites

• On peut concevoir la communication de la manière suivante :

On se rend compte rapidement que l'élève entend moins de chose que ce qu'on lui en dit.

 

• La deuxième conception de la communication peut être représentée ainsi :

On s'aperçoit que l'élève n'entend qu'une partie de l'information mais qu'il entend aussi des choses non dites.

 

• La troisième conception de la communication peut être donc représentée ainsi :

La réalité est beaucoup plus complexe :

- il y a ce qui est consciemment dit et consciemment entendu ;

- il y a ce qui est consciemment dit mais inconsciemment entendu ;

- il y a ce qui est inconsciemment dit mais consciemment entendu.

- etc .....

Dans une communication, le message reçu est rarement analogue au message émis. Cette conception de la formation centrée sur la communication a ses limites et pourtant, quand on enseigne, on s'y réfère souvent (cours magistral).

 

II - Conception des "petites marches" ou béhaviorisme

Cet apprentissage s'est développé à partir de la psychologie du comportement. Il fait notamment appel notamment au conditionnement opérant de Snicker : la réussite est récompensée et l'échec sanctionné.

Cette conception repose sur l'idée que pour passer d'un niveau de connaissance à un autre, il suffit de franchir un certain nombre d'étapes intermédiaires. Chacune de ses étapes comporte une difficulté et une seule aussi faible que possible de manière que la probabilité de l'échec soit la plus faible.

Cette conception repose sur un certain nombre d'hypothèses :

- Le savoir est décomposable en sous-savoirs ;

- On apprend par empilement de sous-savoirs.

Dans cette conception, l'échec ne peut provenir que de la progression proposée. C'est à cette conception que l'on se réfère quand, pour introduire une notion, on propose une activité préparatoire qui contient des questions faciles devant permettre à l'élève de découvrir la notion visée.

Nous connaissons les limites de ce modèle d'apprentissage :

• Ce n'est pas parce que l'élève sait faire les tâches intermédiaires qu'il sait faire l'intégralité de la tâche ;

• On s'aperçoit que même si l'élève arrive à exécuter la tâche, il a beaucoup de difficultés à transférer ses connaissances dans un autre domaine.

L'erreur est le fait de l'élève : il n'a pas suivi, pas appris, pas travaillé, pas compris.

III - Conception de la "tête bien faite"

Cette conception s'est développée à partir des recherches de PIAGET, VIGOSKI, BACHELARD, etc .... et des travaux des didacticiens comme BROUSSEAU, VERGNAUD, CHEVALLARD etc ....

Ces recherches et travaux utilisent un certain nombre d'hypothèses :

1ère hypothèse

"C'est en agissant que l'on apprend" Piaget

Le verbe agir est utilisé dans le sens de résolution de problèmes et pas uniquement dans le sens d'action sur des objets.

 

 

 

2ième hypothèse

La connaissance passe par un état d'équilibre à un autre par des phases transitoires au cours desquelles les connaissances antérieures sont mises en défaut. Si ce moment de déséquilibre est surmonté, c'est qu'il y a une réorganisation des connaissances, au cours de laquelle les nouveaux acquis sont intégrés au savoir ancien. (travaux de Piaget)

 

 

L'apprentissage ne se résume pas à une simple mémorisation, à une juxtaposition de savoir-faire ou à un conditionnement.

Tant que l'élève ne se rend pas compte que le savoir qu'il a est insuffisant ou inadapté, il le gardera d'après le principe dit "d'économie". Pourquoi apprendre un nouveau savoir alors que l'ancien fonctionne ?

Voici un exemple cité par BROUSSEAU :

"Un enfant de six ans sait distinguer des nombres jusqu'à 4 ou 5 à l'aide de procédés basés sur la perception. Ces procédés deviennent vites "coûteux" et peu fiables dès que le nombre d'objets passent à 6 ou 7. Si l'on essaie d'enseigner dans l'ordre les nombres 6, puis 7, puis 8, on se heurte à des difficultés nombreuses et croissantes et une période de désarroi apparaît. Au contraire si l'on propose de comparer des collections de 10 ou 15 objets, le modèle perceptif est si évidemment désavantageux, que l'élève y renonce tout de suite et met en place de nouvelles stratégies."

Si on ne permet pas à l'élève à l'élève d'exprimer ses conceptions initiales et si on ne lui donne pas la possibilité de constater qu'elles sont insuffisantes ou inadaptées, alors elles ressortiront à un moment ou à un autre.

3ième hypothèse

En collaboration avec un tiers, l'apprenant peut toujours faire plus que lorsqu'il est tout seul. Il s'agit de ce que Vigotsky appelle la Zone Proximale de Développement.

Le savoir que l'on veut faire acquérir ne doit pas être trop éloigné des connaissances des élèves.

4ième hypothèse

BACHELARD a introduit la notion de représentation spontanée à propos des phénomènes physiques. "Quel que soit son âge, l'esprit scientifique n'est jamais vierge, table rase ou cire sans empreinte. Les représentations se constituent en obstacles à la connaissance scientifique"

Qu'en est-il en mathématiques ? A tout instant, dans la classe, on se rend compte que l'élève n'a pas la tête vide. Chaque élève a son décodage de la situation qui lui est proposée et mobilise des représentations formées d'images mentales, de techniques de résolution, d'algorithmes ... dues, en partie, aux apprentissages antérieurs.

6ième hypothèse

La mise en place de conflits cognitifs entre élèves peut faciliter l'acquisition de connaissances ( école Genevoise).

Tout ceci va à l'encontre de "la pédagogie des petits pas" car, dans cette "pédagogie", on incite l'élève à adapter ses modèles en l'empêchant de prendre conscience qu'ils sont insuffisants.

Pour qu'il y ait acquisition des connaissances, il faut donc une remise en cause de l'ancien savoir. Pour cela il faut donc trouver des situations d'apprentissages bien adaptées. Les situations qui permettent aux élèves de construire leurs savoirs s'appellent des situations-problèmes.

5ième hypothèse

La production d'écrits par les élèves leur permet de donner du sens aux nouveaux savoirs, de les comprendre, de les intégrer dans des savoirs plus anciens.

Traduire par écrit sa pensée à l'intention d'un tiers conduit nécessairement à l'approfondissement du concept qu'on veut expliquer. De plus, la confrontation des écrits au sein de la classe amène nécessairement les élèves à affiner leur pensée, à construire une logique de raisonnement qui pourra être réinvesti avec profit dans des problématiques différentes. Par ailleurs, ces écrits permettent de comprendre les représentations mentales que se construisent les élèves et donc de remédier aux représentations erronées.

Dans une situation-problème, l'activité des élèves suit le schéma suivant :