philosophie

Deux journées d'études en octobre 2014 organisées par l'ACIREPh sur la question de l'art

Pour ceux qui auraient l'accasion de se rendre dans l'hexagone pendant les prochaines vacances scolaires...

 La question de l'art avec l'ACIREPh

 

L'Acireph, association de professeurs de philosophie, propose deux journées d'étude les 18 et 19 octobre à Paris sur la question de l'enseignement de l'art en cours de philosophie. La notion est présente dans les programmes de toutes les séries et peut donner lieu à des sujets variés auxquels il semble difficile de préparer efficacement les élèves.

Le premier obstacle cité par les enseignants est celui du manque de culture artistique des élèves. Pourtant, leur scolarité ne les confronte-t-il pas à de multiples œuvres ; et d'autre part, n'ont-ils pas d'autres références artistiques auxquelles l'enseignant refuse le statut d'oeuvres ? est-ce à tort ou à raison ?

 

Aborder l'art en cours de philo, d'autre part, est-ce faire cours « sur » ou s'appuyer sur des œuvres pour nourrir la réflexion sur tous les thèmes ?   

Avec Pierre Mercklé, sociologue (ENS Lyon) et Jacqueline Lichtenstein, professeure de philosophie (Paris IV).

 

 

 

Aborder l'art en philosophie au lycée : pourquoi et comment ?

Détail et conditions sur le site de l'ACIREPh 

 http://www.acireph.org/

 

Pour s'incrire et en savoir davantage, voir la pièce jointe ou aller directement sur le site de l'ACIREPh 

Au programme de l'agrégation externe 2015

Écrit

  • 2ème épreuve : composition de philosophie se rapportant à une notion ou à un couple ou groupe de notions : 
    Le phénomène
  • 3ème épreuve : épreuve d'histoire de la philosophie : 
    Platon 
    Marx : Manuscrits de 1844, L'idéologie allemande, Introduction à la critique de l'économie politique, Contribution à la critique de l'économie politique, Le Capital (Livre premier).

Oral

  • 1ère leçon - Domaine : 
    La logique et l'épistémologie
  • Textes français ou traduits en français : 
    Leibniz, Discours de Métaphysique et Correspondance avec Arnauld, Paris, Vrin, 1993. 
    SartreL'être et le néant, Troisième et quatrième parties, Conclusion, Paris, Gallimard, TEL, 1976.
  • Texte grec : 
    Plotin, traité Sur l'éternité et le temps (péri aiônos kai khronou), III, 7 (45) dans Plotini Opera, édition P. Henry et H.-R. Schwyzer, tome 1, Oxford, University Press, 1964, p. 337-361.
  • Texte latin 
    Duns Scot, Ordinatio II, distinction 3, partie 1, in Id., Le principe d'individuation, Paris, Vrin (« Bibliothèque des Textes Philosophiques », édition bilingue), 2005.
  • Texte allemand 
    HegelPhänomenologie des Geistes, VII, "Die Religion" et VIII, "Das absolute Wissen", Felix Meiner Verlag, Philosophische Bibliothek, Hamburg, 1988, p. 443-531.
  • Texte anglais 
    John Stuart MillThe Logic of the Moral Sciences (= A System of Logic, Ratiocinative and Inductive, Book 6), Peru, Illinois, Open Court, 1988.
  • Texte arabe 
    Al-F?r?b?Kit?b ta???l al-sa??da (« L'accession à la félicité »), éd. Al Yasin, Dar al-Manahel, Beyrouth, 1992.
  • Texte italien 
    DanteConvivio, Milan, Biblioteca universale Rizzoli, 1993, quatrième traité, p. 213-33
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L'identité en procès

Conférence-débat

proposée et animée par Jenner Bedminster

"L’identité en procès"

jeudi 27 février à 19h

"Casa del Tango" à Jarry, rue Alfred Lumière

 

Il arrive parfois que nous nous posions la question de notre identité « Qui sommes-nous ? » « Qui suis-je ? » Or nous croyons comprendre exactement cette question parce que nous disposons ordinairement de réponses simples lorsqu’elle est posée. Connaître l’identité de quelqu’un c’est pouvoir dire où il est né, quand il est né, ce qu’il fait dans la vie, qui sont ses parents ou ses amis, quelle est sa filiation, quelle est sa religion, etc. Pourtant, cette réponse remplace une authentique question d’identité par celle de l’identification. Qu’est-ce qu’identifier quelqu’un ? Identifier quelqu’un c’est lui demander, comme le fait par exemple la police, ses papiers d’identité. Identifier quelqu’un c’est être capable de déterminer à quel ensemble il appartient, de quel ensemble il fait partie : il est français, c’est un homme noir, il appartient à la communauté des professeurs, il est antillais, etc. Identifier quelqu’un c’est aussi le reconnaître comme étant numériquement le même individu sous des rubriques différentes. Par exemple, l’auteur du « Cynisme des chiens » est le même que l’auteur de « L’innommable Raphaël Confiant » et il est le même que l’organisateur du café-débat de la « casa del tango ». Quand donc je dis que je suis guadeloupéen, que je suis français, ou que je suis un homme ou une femme, je crois répondre authentiquement à la question de mon identité, celle de savoir qui je suis, alors qu’en fait je ne fournis qu’un critère d’identification, je me désigne comme « on » me désigne. Je ne suis alors qu’un exemplaire parmi d’autre. Pourtant, normalement, sauf cas de maladie grave, en me posant la question de mon identité à moi-même je ne semble pas chercher à savoir ce que m’indique mes papiers d’identité, comme si je devais me faire passer à moi-même un « contrôle d’identité ». En fait je pose une toute autre question, celle de mon identité personnelle. Par conséquent, si la question de l’identification se pose du dehors en troisième personne, elle porte en fait sur ce qui me constitue en tant que l’individu que je suis malgré moi ; en revanche lorsque j’en viens à me poser à moi-même la question de mon identité elle portera non pas sur l’individu que je suis mais sur la personne que je suis, et il est absolument impossible de la traduire en troisième personne sans la trahir profondément. Et c’est pourtant ce que l’on ne cesse de faire dans les « revendications identitaires » : identité ethnique, identité communautaire, identité régionale, etc. Toutes ces expressions désignent une appartenance à un groupe, à un ensemble (mathématique ?) dont je ne suis qu’un élément parmi d’autre. Cet ensemble lui-même ne parvient à s’affirmer dans son unité qu’en s’opposant à un autre ensemble, c’est l’opposition du même et de l’autre qui guide alors la quête de l’identité. C’est ce qu’on peut appeler le « piège » des revendications identitaires. Il convient donc de revenir, pour plus de clarté, à la question de l’identité en première personne et au lieu de la poser au niveau collectif, « qui sommes-nous ? » il faut d’abord la reposer à la première personne du singulier « qui suis-je ? ». Je me demanderais donc dans cette conférence ce que veut dire « identité » lorsqu’on l’utilise avec le possessif : « mon identité » et non pas « notre identité » « son identité » ou encore « ton identité ». Je la soumettrai à l’analyse en m’aidant des instruments de la philosophie. J’espère ainsi que la question de l’identité ainsi reconfigurée permettra de résoudre plus de problèmes qu’elle n’en soulève à son tour. Et en dissociant provisoirement les deux questions, celle de « mon identité » de celle de « notre identité », j’espère qu’on pourra obtenir les moyens de mieux s’orienter dans les questions d’identité collective, en évitant précisément les pièges de « la logique identitaire » qui s’apparente à une simple identification de préfecture de police.

Jenner Bedminster, février 2014 

Raccrocher par la philosophie

Article de Jeanne-Claire Fumet paru dans Le Café Pédagogique du 19 décembre 2013

Lutter contre le décrochage scolaire, c'est une priorité et une urgence. Mais comment sortir des déclarations vertueuses et agir efficacement en classe ? Frédérique  Landœuer, professeur en classe relais, présente dans un double DVD la démarche qu'elle mène auprès de ses élèves depuis 2005. Une série de 4 films et un ensemble d'entretiens avec des chercheurs renommés (Serge Boimare, Albert Jacquard, Jean-Pierre Lebrun, Philippe Mérieu, Jacques Pain, Sébastien Pesce et Michel Tozzi), offre l'occasion d'une vraie réflexion sur la pratique et les écueils du métier. Fondée sur la discussion et l'analyse des mythologies, sa pratique tend à aider les élèves à se réapproprier l'aptitude à penser et à intérioriser leurs représentations. Une alternative particulièrement intéressante aux méthodes classiques de remédiation.

Socrate, encore et toujours...

La référence à Socrate, si souvent convoquée en pédagogie, ne semble pas cette fois-ci usurpée : non que le contenu d'enseignement atteigne aux dialogues platoniciens, mais parce que le souci de lever ce qui « empêche de penser », joue un rôle déterminant dans le travail réalisé par Frédérique  Landœuer auprès de ses élèves collégiens déscolarisés. Apprendre à penser, quand les croyances et les préjugés servent d'étayage vital, mais enferment dans des impasses intenables, n'est pas une mince gageure. Dans les séances filmées, Frédérique  Landœuer les met à l'épreuve du mythe platonicien de la caverne. Ce prisonnier qu'on détache pour le jeter dans le monde réel, dont il ignore les codes et le langage, loin des siens (« après il peut rentrer sans sa caverne, chez sa mère ?» se demande un élève) n'est pas tout à fait étranger aux élèves. L'occasion de discuter âprement de la légitimité des choix : partir, revenir, trahir les siens, essayer de les entraîner avec soi, au risque d'être rejeté ou tué ? Faire le choix de devenir soi-même, peut-être ? « Mais ils l'ont tué, Socrate ? »

La structure des mythes pour séparer les champs du savoir

Les questions qui émergent conduisent par tâtonnements à d’autres questions, selon des chemins pas toujours prévisibles. La réalité de l'expérience des élèves n'est jamais bien loin – condition pour garder leur attention – mais ne doit pas perdre le fil du sujet étudié dans le cours. Question de patience, d'une patience infatigable pour tisser et retisser la toile de leurs éparpillements, resserrer les fils de leur réflexion. Et la force des récits antiques opère : qu'en est-il des origines du monde, de la diversité des religions, des différences entre les hommes ou du passage de l'air dans notre corps ? Les questions, lestées de leur pesanteur symbolique, traversent le champ  au fil de la réflexion sur les récits antiques - « ça se peut pas, c'est de l'inceste ! » s'insurge un élève au récit de l'histoire d’œdipe. Devient alors possible – et nécessaire – de distinguer, séparer, classer les domaines du savoir et de la pensée, entre la science, qui admet hypothèses et preuves, la religion qui fournit des croyances, la philosophie qui interroge universellement nos incertitudes, et la mythologie indique sans les dire presque toutes les questions sans réponses.

En attendant le jugement

La réalité du quotidien, pour les élèves de Frédérique Landœuer, c'est aussi celle de Tarek, 15 ans, qui attend de passer en jugement pour un vol de voiture. Il avait obtenu un stage dans la police, mais son délit, qui l'a conduit en garde à vue pendant les vacances scolaires, ruine son projet. Il raconte avec extase son envol dans la voiture « empruntée », mais s'effondre à l'idée de la peine encourue. « Tu crains rien, t'es trop jeune – Faut faire ça quand on peut, qu'on est jeune », commentent ses camarades pour le réconforter. « C'est vraiment indispensable de faire ce genre de choses ? » demande l'enseignante. « La juge, elle est trop gentille ! » tranche un autre. « Elle n'a pas à être gentille », précise encore l'adulte. Le rappel des exigences se fait toujours sans moralisme, sans effusion affective, l'autorité est fondée sur la confiance réciproque, mais sans ostentation. Le travail scolaire se fait, même quand l'échange semble déraper ou quand le comportement vacille. L'adaptation à l'imprévu est permanente, la pratique est sans filet. Un engagement que l'on sent total, chez l'enseignante, mais qu'on devine épuisant.

« Il faut accepter d'avancer sans certitudes »

 « Il arrive que nous rencontrions des résistances, dans les formations proposées aux enseignants de collège. Certains groupes ont peur de changer, admet Frédérique Landœuer. Il y a trop d'incertitudes, on ne sait pas où on va et c'est angoissant. J'ai reçu une équipe de France 3, dernièrement : je ne savais pas du tout ce qui allait se passer en classe. On ne peut pas prévoir les réactions. En général, je pars des questions des élèves, je les range dans différents domaines (science, philo, mythe) et après j'y réponds. Selon les groupes, ce n'est jamais le même trajet. Je m'appuie plutôt sur les mythes de la Théogonie : Chaos, Gaïa, Ouranos, la guerre des dieux contre les titans, mais surtout je m'adapte au public. L'an dernier, j'ai travaillé comme maître E avec des classes de CM2 et de CE2, une heure par semaine en classe entière. Cette année, au collège, je fais les études du soir – je prends le prétexte des devoirs pour travailler sur leurs position d'élèves, leurs représentations, j'organise des discussions. Je m'occupe de groupes d'élèves en voie de décrochage, je les prends 2 ou 3 h par semaine en cours de philosophie. Avec un groupe de « révoltés », c'est le thème de la révolte, de la politique, de la liberté, du philosophe... En réalité, j'essaie de construire un pont entre l'intime et l'universel. L'ordre du discours et l'intime, c'est le plus difficile pour eux: ils sont dans l'expression directe, impulsive, sans distance. Ils ont un cahier de réflexion où ils écrivent et dessinent. Ils ont besoin de cette médiation extérieure pour se construire une intériorité.

Une méthode qui marche bien

C'est une méthode qui marche bien, il y a beaucoup de demandes de formation. Avec Sébastien Pesce, qui mène ce travail avec moi, nous ne pouvons les assurer toutes. Il y a une vraie demande d'aide de la part des enseignants de collège, qui sont affolés devant le nombre et l'ampleur des problèmes de lecture, d'écriture, de décrochage. Chacun s'empare à sa manière de l'idée de départ pour en faire autre chose, et souvent avec succès. L'institution nous soutient, les Inspecteurs nous encouragent, mais nous ne pouvons pas faire face aux demandes. »

Dans les projets de  Frédérique Landœuer, un livre à paraître début 2014, Les enfants de Gaïa, proposera une analyse approfondie de l'expérience filmée dans le DVD. En attendant, les films et la série d'entretiens qui les complètent, présentés en brèves séquences thématiques pour un usage en cours de formation, constituent un solide et passionnant apport à la réflexion sur l'échec scolaire, le  décrochage et les pratiques alternatives d'enseignement. 

Jeanne-Claire Fumet

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Rentrée 2013 : Les premiers pas d'un professeur de philosophie

Portrait d'un jeune professeur heureux...

La rentrée n'est pas simple pour les stagiaires certifiés de l'année, avec un service complet et sans préparation, peu de repères, des classes nombreuses et pas toujours de tuteurs disponibles. Pourtant, il y a de jeunes professeurs heureux : Tristan Ghrenassia, professeur de philosophie au lycée Édouard Branly à Nogent-sur-Marne, en fait partie. Quand il parle de son nouveau métier, c'est avec un enthousiasme qui ne trompe pas : les conditions ont beau être difficiles, il est déjà un enseignant passionné, qui saura sans aucun doute passionner son public. Après un parcours atypique, qui l'a mené de l'ENS-Lyon à France Culture, il évoque pour le Café Pédagogique ses premiers pas de professeur. 

Vous destiniez-vous à l'enseignement ?

L'idée d'enseigner n'a jamais été exclue pour moi, même si le cycle de l'ENS-Lyon ne destine pas vraiment au départ à l'enseignement secondaire. Mais j'ai ressenti une lassitude, à un moment de mes études, à l'égard de la philosophie, en ce qu'elle a de très abstrait, j'ai eu envie de connaître autre chose. Je me suis tourné vers la coopération internationale et l'action humanitaire. C'est un milieu difficile. J'étais sans doute trop jeune, j'en avais une image idéalisée, et j'ai été déçu. J'ai eu la chance de travailler avec Adèle Van Reeth, pour l'émission Les Nouveaux Chemins de la Connaissance sur France Culture.

Il me restait une dernière année pour préparer les concours et j'ai souhaité me tourner vers les métiers de l'enseignement. Ce n'était pas un choix facile ; j'arrêtais la radio, et si j'échouais aux concours, je n'avais plus rien. Mais j'ai obtenu le CAPES, et manqué de très peu l'agrégation.

Le métier correspond-il à l'idée que vous en aviez ou avez-vous été surpris ?

Non, cela correspond tout à fait à l'idée que je m'en faisais. J'assure un service de 15h, avec 2 classes de terminale ES et une de S, de petits groupes d'initiation à la philosophie en première et un cours d'ECJS avec d'autres élèves de terminale S. Cela fait environ 180 élèves, c'est beaucoup pour les connaître tous. Mais je suis dans un lycée plutôt calme, avec un public de milieu assez aisé. On m'avait mis en garde : je risquais d'avoir à justifier l'intérêt d'étudier la philosophie, auprès d'élèves préoccupés d'abord de réussite sociale et financière. Mais ce n'est pas une attitude que j'ai souvent rencontrée.

A quelles difficultés êtes-vous confronté ?

Le bruit, principalement. Cela rend vraiment le travail difficile. La différence est considérable entre une classe à 35 élèves et une classe à 24 : l'ambiance n'est pas du tout la même, on n'a pas la même aisance, la même liberté de ton. Je crois être vraiment meilleur dans une classe moins nombreuse où je peux solliciter chacun et être présent pour tous. A 35, ils se mettent à discuter et se dissipent plus facilement, on a du mal à les reprendre sans casser le fil du cours.

Une autre difficulté que je redoutais, mais qui s'est moins présentée, c'est le désintérêt des élèves : la crainte de parler à un « mur » si les élèves n'entrent pas dans la réflexion qu'on leur propose. En réalité, c'est assez lié aux horaires : à 11h, à 16h, le vendredi après-midi, l'attention est moins présente. Il y a aussi une question de fatigue, liée au nombre d'heures de la journée. Je pense que ce n'est pas évident de rester attentif et silencieux au bout de 7h de cours. Mais voir les élèves souffler et soupirer, c'est vraiment difficile. Je suis très sensible à ces réactions et je sors parfois de cours complètement découragé, avec l'impression d'essayer de déplacer des montagnes pour rien. Mais il suffit qu'un cours se passe bien, et c'est à nouveau l'enthousiasme !

Comment avez-vous commencé votre cours, en ce début d'année ?

J'ai commencé par une présentation générale qui portait en particulier sur les origines de la philosophie. Sur le conseil d'un ami, j'ai proposé un tableau à 2 colonnes, avec d'une part des questions banales, quotidiennes, et de l'autre, les grandes questions conceptuelles auxquelles elles renvoient. Les élèves ont bien apprécié cette expérience, découvrir les liens possibles entre la vie ordinaire et la philosophie. J'ai aussi utilisé des exemples comme le fait de n'être pas d'accord sur la beauté d'un film : peut-on en discuter ou essaie-t-on de prouver son point de vue à l'autre ? Cela m'a permis d'introduire la question des critères de l'évaluation esthétique et d'esquisser une référence à Kant.

Pour les notions, j'ai choisi de commencer par la liberté  : elle est large et s'ancre bien dans l'expérience réelle. Je leur ai demandé de m'indiquer une image, un exemple, un obstacle, une fausse idée, et une expression courante sur la liberté. On m'a prévenu qu'il était presque impossible de parcourir tout le programme en un an. Je vais essayer de traiter un domaine par période scolaire, en croisant les notions. Je ne sais pas si je pourrai m'y tenir.

En classe de première, j'ai repris la méthode d'un ami : je leur ai demandé quelle grande question métaphysique les habitait. Ils ont évoqué la vie après la mort, le rêve et la réalité, le destin, le hasard. Cela me donne des pistes pour les faire travailler sur des notions qui ne sont pas forcément au programme de terminale, mais qui les touchent. Je pense m'appuyer sur des extraits de films ou de séries – la difficulté étant de trouver une scène ou un passage bref qui soit significatif d'un problème. .

En ECJS, j'ai opté pour les questions de bioéthique - en avouant aux élèves ma relative incompétence en ce domaine, et que j'attendais de notre travail commun que nous en apprenions tous davantage. J'ai  parié sur l'interaction et je crois qu'il l'ont très bien reçu.

Avez-vous un réseau entre stagiaires pour échanger des ressources ?

Dans notre discipline, c'est sans doute moins évident que dans d'autres. On peut s'inspirer du travail ou des conseils des autres, mais il faut tout de même concevoir sa propre version du cours pour que ça fonctionne en classe. J'en discute avec des amis enseignants, mon tuteur m'aide beaucoup aussi.

La formation à l'IUFM est prévue 2 à 3 fois par mois. Pour le moment, j'ai assisté aux deux journées de pré-rentrée et je les ai trouvées plutôt bien faites. L'une portait sur le programme, l'autre sur la gestion de la classe, et ce n'était vraiment pas inutile. Mais il vaut mieux que la formation ne pèse pas trop lourd, étant donné la charge de service en classe. Je vois très bien comment je pourrais être très vite débordé. Par chance, la radio m'a appris à bien anticiper et m'organiser.

Cette expérience à la radio vous apporte-t-elle des outils pour l'enseignement ?

A la radio, le rythme est très intense ; il faut être rapide sur les choix des thèmes, des textes, des invités, des références. Dans les émissions d'Adèle Van Reeth, la diversité des domaines et des approches est la règle, ce qui suppose une réactivité permanente. Le travail de recherche et de documentation, le contact avec les personnalités invitées, tout doit se faire très vite. J'ai fait beaucoup de fiches de lecture, de préparation documentaire, de repérages d'extraits sonores (films, publicités, feuilletons...). Je n'ai pas encore eu le temps de réfléchir au transfert possible de ces apprentissages vers l'enseignement, mais peut-être que cela pourra m'aider plus tard. Pour le moment, j'essaie de gérer les contenus classiques. Mais je n'ai commencé que depuis 15 jours...

Souhaiteriez-vous rester dans ce métier ?

Quand je sors d'un cours avec ma classe à 24 élèves, où tout s'est bien passé, je me dis que je ne me suis vraiment pas trompé de métier. Je suis heureux. J'ai envie de continuer. Pendant longtemps, je me suis cherché : lycéen, j'aimais le côté éclectique de la section ES, j'ai fait une prépa littéraire, j'ai essayé Sciences-Po, j'ai pensé à la recherche, j'ai été attiré par les métiers dans les relations internationales, brièvement par l'action humanitaire, mais ce n'était jamais vraiment ce qui me convenait.

Je crois avoir trouvé. Mais il y a des moments de doute. Ce qui pourrait me faire renoncer, c'est de me confronter durablement au refus, à l'absence d'intérêt des élèves. Je voudrais que ça se passe toujours bien – et ça ne se passe d'ailleurs pas si mal, en réalité ! J'essaie de m’occuper de tout le monde, d'insister auprès de ceux qui ne prennent pas de notes, de remettre au travail ceux qui s'allongent sur leur table... Je suis exigeant avec eux, mais je me souviens aussi de ma vie de lycéen et je les comprends. Peut-être un peu trop.

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La philosophie en bac pro et en primaire et la notation en philosophie

La philosophie est une belle et prestigieuse discipline académique. Mais elle n’est pas que cela...

Article paru dans le Café Pédagogique du 21 juin 2013

Laurent Bachler est professeur agrégé de philosophie au lycée Vaugelas de Chambéry. Il répond aux questions qui fachent de Gilbert Longhi : Que penser du fait que les bacheliers professionnels soient privés de philosophie ? Que penser de la philosophie au primaire ? Et de la notation au bac ?

Nombre d’expérimentations pour une mise en contact précoce des élèves avec la philosophie se déroulent depuis plusieurs années en école élémentaire.  Selon vous s’agit-il d’une animation socio-éducative ou de plus que cela ?

L’idée d’une rencontre précoce avec la philosophie me semble précieuse. Et c’est à mon sens, plus qu’une animation socioéducative. La preuve en est que souvent les enfants participant à une discussion philosophique à l’école en parlent à leurs parents et à leurs proches. Dans ces discussions philosophiques, le dialogue porte finalement sur le sens que nous donnons aux mots et sur leur cohérence avec ce que nous vivons. Apprendre à donner du sens aux mots que l’on emploie et à en mesurer la portée, c’est l’un des aspects les plus intéressants de ces ateliers de philosophie en école élémentaire. Néanmoins, pour que les échanges aient vraiment un tour philosophique, l’aide des enseignants de philosophie du secondaire me semble elle aussi essentielle.

Les lycéens des terminales des filières générales et des filières  technologiques reçoivent tous un enseignement de philosophie. Les élèves des terminales de la voie professionnelle n’en reçoivent pas.  Pouvez-vous philosopher sur ce constat ?

Il me semble qu’il y a parfois dans certains établissements un enseignement de philosophie proposé à des élèves de la voie professionnelle. Cet enseignement repose sur le volontariat des enseignants et le volontariat des élèves. De telles conditions ne rendent pas possible une généralisation de cet enseignement dans ses formes actuelles. Je ne vois aucune raison de refuser à un élève qui souhaite rencontrer la philosophie la possibilité de le faire. En revanche, ce qui fait débat, parce que nous sommes dans le cadre de l’institution scolaire, c’est la nature des exercices que l’on demande aux élèves. Faut-il demander à tous les élèves de toutes les séries, et de toutes les voies, de faire une dissertation ? Ou faut-il distinguer différents types d’exercices, sans perdre le cœur même de la démarche philosophique ? C’est un débat en cours et qui appartient aux professeurs de philosophie.

Dans les forums en ligne, les lycéens présentent souvent la philosophie comme une discipline floue qui tombe sur les élèves dix mois avant le bac et qui n’induit qu’une question peu philosophique, à savoir : comment assurer un résultat pas trop  mauvais pour l’examen ? Quelle réflexion vous inspire ce point de vue ?

De la tristesse. Et j’espère que ceux qui s’expriment sur ces forums ne sont pas la majorité de nos élèves. Parce que la philosophie ne s’enseigne qu’en Terminale, nos élèves ont une tendance naturelle à confondre la discipline avec le professeur qu’ils ont eu. C’est donc, beaucoup plus que pour les autres disciplines, une question de rencontre. Quand cette rencontre a lieu, il me semble que les élèves ne gardent pas un mauvais souvenir de leur cours de philosophie et ne le réduisent surtout pas à une note d’examen. Quand cette rencontre n’a pas lieu, il faut que nous puissions avoir d’autres occasions de rencontrer la philosophie. Que ce soit avant la Terminale, ou après la Terminale. Dans les Cafés-philo par exemple, il n’y a pas d’examen noté à la fin ! Et pourtant, beaucoup y trouve des idées, du sens et du respect dans les échanges d’idées. La philosophie est une belle et prestigieuse discipline académique. Mais elle n’est pas que cela.

Les élèves sont quelquefois convaincus que la note obtenue en philo dépend davantage du correcteur que de la nature du devoir... Comment expliquer cette impression ?

Les élèves peuvent avoir cette impression parce que leur note au bac ne correspond pas à la moyenne de leurs notes obtenues au cours de l’année. De multiples raisons peuvent expliquer ce décalage, au premier rang desquels la qualité du travail de l’élève. Certains font mieux que d’habitude parce qu’ils ont mieux réviser. D’autres peuvent perdre une partie de leurs moyens à cause du stress ou tout simplement de mauvaises révisions. Le fait que le correcteur ne soit pas le même que le professeur de l’année ne me semble pas le plus pertinent. Enfin, la philosophie est une discipline qui, plus que d’autres, souffre de nombreux préjugés. Cela tient au fait que tout le monde a une opinion sur la philosophie. C’est la rançon de la gloire, car les grandes questions philosophiques parlent à tous.

Propos recueillis par Gilbert Longhi

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Les sujets des épreuves du bac 2013 comme le rappel des racines citoyennes de la réflexion philosophique

Bac philo 2013 : Sous le signe de l'éthique et du politique

 Article de Jeann-Claire Fumet paru dans le Café Pédagogique, le 18 juin2013

L'épreuve de philosophie, comme tous les ans, a ouvert la semaine du baccalauréat, et comme tous les ans, les sujets ont fait l'objet de l'attention générale. Des sujets classiques et équilibrés dans les séries générales comme dans les séries technologiques, avec une pointe de difficulté dans la Série ES, et une sensible orientation des thèmes vers les questions d'éthique et de politique. Influence de l'actualité ? On y verra plus raisonnablement le rappel des racines citoyennes de la réflexion philosophique, et la manière dont elle peut contribuer à donner sens aux contingences actuelles les plus variables de la vie collective.

La filière Littéraire bénéficiait du choix le plus classique : « Le langage n'est-il qu'un outil ? » renvoie à l'équivoque du langage comme moyen de communication et d'expression, mais aussi comme lieu de création de la pensée et de l'émergence du logos, voire de réalisation du monde de signe où nous nous existons. « La science se limite-t-elle à constater les faits ? » invitait à examiner le statut épistémologique de l'objet naturel de la connaissance, découpé par la perception, construit par l'intellection, structuré par la compréhension rationnelle. Enfin, une Lettre de Descartes à la Princesse Élisabeth proposait au lecteur de parcourir le chemin qui relie chacun à l'ensemble de la collectivité et fait du bien public le seul véritable objet de son contentement éthique.

Les scientifiques ont travaillé sur le sujet qui aura sans doute le plus fait parler de lui : « Peut-on agir moralement sans s'intéresser à la politique ? ». Il invitait à questionner la possibilité d'une dimension seulement individuelle de l'action morale, en tant qu'intervention effective dans la sphère du réel,  mais aussi à réinvestir la pensée du politique de la préoccupation morale que la philosophie lui a toujours attribué. « Le travail permet-il de prendre conscience de soi ? » permettait d'explorer les dimensions du travail au-delà de son sens économique, comme effort de formation de la matière jusqu'en soi-même, mais aussi d'interroger les formes destructrices qu'il prend lorsqu'il perd la mesure de l'humain. Enfin, un texte de Bergson sur le jugement vrai permettait de mettre en question  la métaphore  de la concordance avec le réel comme forme sans objet adéquat.

Pour les élèves de sciences Économiques et Sociales , mieux valait prendre le temps de la réflexion avant de s'engager : « Que devons-nous à l’État ? », n'appelait pas une énumération positive ou négative, mais la construction raisonnée des conditions d'une relation réciproque de la citoyenneté à la souveraineté, des institutions aux sujets politiques. Quant à « Interprète-t-on à défaut de connaître ? », il engageait à établir, au-delà de l'opposition suggérée, la différence des modalités d'intellection réfléchie selon la nature et l'objet étudié, en particulier dans les sciences humaines, mais aussi dans la sphère infiniment extensible de la symbolisation signifiante. Le texte d'Anselme de Cantorbéry présentait une difficile démonstration de la liberté de la volonté, centrée sur la notion de rectitude : celle-ci semble avoir posé problème à nombre d'élèves, au regard de leurs questions à la sortie de l'épreuve.

Pour les séries Technologiques, un sujet familier des salles de classe :  « Être libre, est-ce n'obéir à aucune loi ? », qui interroge la distinction entre impulsion et autonomie, mais aussi l'opposition entre légalisme et liberté de conscience, entre autres. « La diversité des cultures sépare-t-elle les hommes ? » incitait à réfléchir sur le repli identitaire et l'universalité de valeurs communes toujours à construire et à réinventer. Un texte des Règles pour la Direction de l'Esprit de Descartes, évoquait la nécessaire appropriation des savoirs par le jugement personnel, par opposition à l'autorité de la tradition.

Un ensemble de questions choisi dans le souci visible de ne pas déstabiliser les élèves et de croiser des domaines du programme généralement bien parcourus. Mais il n'en demeure pas moins que le champ indéfiniment extensible des questions possibles à partir de l'actuel programme de notions constitue une réelle difficulté qu'il faudra se résoudre à aborder. Préparer correctement les élèves à l'évaluation finale reste une gageure redoutable pour les enseignants de philosophie.

Jeanne-Claire Fumet

Philosophie 
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Les 30 ans du Collège International de Philosophie

Intersections philosophiques

Par Jeanne-Claire Fumet

Le concept d'intersection marquera les 30 ans du CIPH (Collège International de Philosophie), célébrés du 1 au 16 juin 2013 au Palais de la Découverte, au Palais de Tokyo et en divers autres lieux de Paris et de banlieue : intersections des disciplines, des époques, des pays et des modes de communication, pour un cycle de haut niveau ouvert au grand public, libre et gratuit. C'est en tout cas le souhait de Matthieu Potte-Bonneville, qui tient à ce que le CIPH conserve sa tradition intermédiaire entre université populaire et lieu de recherche, en proposant cet ensemble de  colloques, agora interactive, installations, lectures et débats autour de la philosophie actuelle. La publication d'un ouvrage numérique collectif s'ajoute au programme - manière d'illustrer le tournant engagé par le Collège sous l'impulsion de son directeur : celui d'une ouverture résolument tournée vers l'international et d'une diffusion plus vaste des travaux de ses chercheurs par l'édition numérique.

Croisements et télescopages de disciplines

« Le motif de l'intersection ou du croisement serait une sorte de charte pour le Collège », proposaient ses fondateurs, F. Châtelet, J.Derrida, JP. Faye, D. Lecourt.  Intersections joue pleinement de ce motif, télescopant les disciplines et estompant leurs frontières : philosophie et  sciences, sciences humaines,  arts, techniques, littérature, se croisent autour des questions émergentes de la pensée contemporaine. Au programme, se pressent la migration des idées, l'obsession d'une grande santé, les popularités de la déconstruction, penser les langages de l'art, la liquéfaction des frontières, les nouveaux territoires numériques, machines et sociétés, écologie des entités non conventionnelles – des sujets permettront d'interroger la difficile construction des rapports entre humains et entités non humaines, les limites et les frontières de la démocratie, de l'anomalie, mais aussi du retour de la métaphysique à travers le réalisme spéculatif... Des enjeux très pointus ouverts au plus large public, avec le soutien d'un dispositif interactif : les chercheurs du CIPH répondront en direct aux questions twittées par les internautes depuis le mois de février 2013, à partir d'installations physiques et virtuelles, baptisées « ? Le champ des Pourquoi ? » Une lecture multilingue du Poème de Parménide, par Daniel Mesguich, avec J. Barnes, B. Cassin, A. Priya Wacziarg, F. Santoro et H. Wismann, viendra conclure les rencontres.

Géographie numérique de la philosophie

La création d'un ouvrage numérique téléchargeable sur i-Pad a été conçue pour l'occasion. Ballade intellectuelle à l'esthétique soignée,  le livre égrène au fil de ses 161 pages les textes de 59 auteurs, invités à composer librement en puisant dans les archives du Collège, pour nourrir les chapitres croisés de philosophie et de politique, littérature, arts, sciences, psychanalyse ou éducation. Les voix des grandes figures du Collège s'y entremêlent aux mots écrits, sous forme de vignettes sonores extraites des quelques 350  débats enregistrés et  conservés au Collège (Derrida, Balibar, Enaudeau, Rancière, Badiou, Salanskis), à des images d'archives (couvertures de la Revue Descartes, extraits du rapport bleu fondateur du Collège) et à des photographies. La dernière partie du livre forme une frise chronologique qui rassemble des textes d'auteurs sur un événement des 30 dernières années. « Une quarantaine d'auteurs a joué le jeu, ce sont 30 ans d'histoire intellectuelle mondiale vus à travers le prisme du Collège, s'amuse Matthieu Potte-Bonneville. On y trouve même  la consécration au cœur immaculé de Marie, le choix de Christian Trottmann... On ne s'attendait pas vraiment à ça ! » Les organisateurs veulent faire circuler l'ouvrage le plus possible, grâce au téléchargement gratuit et à la mise en ligne, à terme, sur Culture-Tech, le portail numérique des Instituts Français, pour donner à voir ce que peut porter une publication de ce format. Peut-être en attendant, dans un second temps, d'établir un partenariat avec un éditeur numérique pour d'autres productions.

Renforcer la dimension internationale du CIPH

L'une des priorités de Mathieu Potte-Bonneville a été de faire franchir au Collège le cap de la numérisation. La revue Rue Descartes, mise en ligne, est passée d'une audience relativement confidentielle à une diffusion internationale, que n'aurait pu atteindre le tirage papier. La diffusion en ligne des archives sonores pourrait aussi compter parmi les projets d'avenir du CIPH. Un avenir que Matthieu Potte-Bonneville entend tourner vers l'international : depuis 3 ans, la direction du CIPH s'efforce de renforcer les partenariats dans le monde entier, en lien avec l'Institut Français :  Chine, Egypte, pays Arabes, Etats-Unis, Roumanie...   « La pensée française conserve une forte audience dans le monde, affirme-t-il, mais elle reste encore trop souvent identifiée à la génération glorieuse : Deleuze, Barthes, Foucault, Derrida. Ce n'est plus d'actualité : les problématiques contemporaines de la recherche en France portent sur des questions de genre et des questions post-coloniales, sur la relecture de Spinoza aussi. D'autres problématiques venues de l'étranger trouvent un point de passage par le Collège : les questions d'éthique et de d'environnement, dont les textes américains fondamentaux n'étaient pas très connus en France ». Pour ces translations d'idées, l'édition numérique présente des atouts impossibles à ignorer.

Le numérique, un atout pour l'enseignement de la philosophie ?

« La réactivité de ce format est intéressante, reconnaît le directeur du CIPH. Lors de la présentation du livre numérique en classe,  les élèves se sont montrés curieux et ont soulevé des questions qui n'étaient pas sottes. L'un des avantages pour eux est de pouvoir poser des questions silencieuses, sans avoir à s'exprimer publiquement. » Pour Matthieu Potte-Bonneville, le livre reste le support par excellence de l’étude des textes philosophiques. Mais un format qui permet de lire et d'entendre, de lier étroitement lecture et écriture, d'ouvrir une forme d'autonomie dans l'appropriation des contenus et d'engager un rapport personnalisé  avec le questionnement, pourrait représenter une mutation une mutation fondamentale de la forme de l'école. « En France, précise-t-il, le magistère, le rapport de l'individu au collectif, l'importance du groupe classe et la centralité du professeur sont restés longtemps des dimensions essentielles ; mais c'est en train d'évoluer. C'est ce qui explique qu'on est un peu perdu, actuellement, dans les usages pédagogiques, surtout dans l'enseignement de la philosophie qui incarnait ce dispositif de dispensation d'une parole que chacun doit s’approprier. C'est un dispositif très noué. On peut aussi laisser les élèves se débrouiller par eux-mêmes sur un support d'activité de type tablette. Cela peut être un gadget, mais cela peut aussi devenir un outil – et cela implique, de la part de l'enseignant, un lâcher prise qui est un peu angoissant. »

Maintenir le lien entre professeurs de philosophie et philosophes.

L'enseignement est une vocation centrale pour le Collège, qui intègre depuis 4 ans, sous la responsabilité de Pascal Séverac, un Centre International de Réflexion sur l’Enseignement et la Pédagogie(CIRTEP), lieu d'organisation de séminaires sur le vocabulaire de l'éducation, sur la question du handicap, sur la philosophie de l’éducation ou sur l'enseignement de la philosophie avant la classe terminale (colloques UNESCO avec Philolab). « Le Collège, rappelle Matthieu Potte-Bonneville, a hérité des travaux du travaux du  GREPH (Groupe de Recherche sur l’Enseignement Philosophique), dont l'un des mots d'ordre était de décloisonner l'enseignement de la philosophie, hors de la Terminale. C'était une revendication marginale, c'est devenu un mot d'ordre ministériel. Les professeurs de philosophie sont individuellement convaincus, mais collectivement réticents sur ce point. Ils s'identifient encore fortement à un statut de professeur qui ne correspond pas à leur vécu professionnel. L'image du métier n'est pas en accord avec les pratiques. »

De jeunes professeurs, qui sont aussi chercheurs, souvent doctorants, et veulent trouver un endroit pour valoriser leurs travaux, déposent leur candidature à l'assemblée des chercheurs du CIPH. « C'est très bon signe ! se réjouit Matthieu Potte-Bonneville. Le recrutement au Collège ne prend pas en compte le statut mais l'intérêt du programme de recherche des candidats. L'assemblée est renouvelée tous les 3 ans par moitié. C'est un jeu de « cadavres exquis » : personne ne reste, personne ne s'installe, chacun invente à partir de ce qui a été fait auparavant. On y accueille  des gens venus du Secondaire ou des Classes Préparatoires. Ce mélange est important : on n'enseigne pas la même chose, ni de la même manière, quand on est impliqué dans une démarche de recherche. Il faut garder ce pont entre les mondes cloisonnés. Il faut maintenir le lien entre les professeurs de philosophie et les philosophes. »

Intersections – du 1er au 16 juin 2013. Colloques, débats conférences...

Palais de Tokyo, Palais de la Découverte, Théâtre de Gennevilliers...

Accès libre et gratuit.

Programme détaillé sur le site des 30 ans :

http://30ansciph.org/

Téléchargement du livre numérique :

http://30ansciph.org/spip.php?rubrique5

La revue Rue Descartes :

http://www.ciph.org/publications.php?rub=rueDescartes

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