Histoire et Géographie

La stratégie dans les Caraïbes de l’Agence française de développement (AFD)

Le compte-rendu, enrichi, de cette communication permet d’aborder un aspect original et non moins efficace des relations et des dynamiques qui ont cours dans la région. La coopération répond avant tout à des besoins qui se traduisent dans un projet de développement qui se veut de plus en plus durable pour les sociétés et les territoires concernés.  Elle correspond aussi à des réalités géo-économiques et à des visions géostratégiques différenciées entres les acteurs majeurs et les partenaires de la zone. Leurs actions, complémentaires et concertées, permettent par ailleurs de rapprocher les entités spatiales caribéennes en relevant certains défis auxquels elles sont confrontées.

 

Champ géographique du département Caraïbe–Amérique latine de l’AFD

 

L’AFD est un établissement public qui est rattaché à trois Ministères (affaires étrangères et européennes, économie et finances et l’Intérieur). Elle agit depuis environ 70 ans pour combattre la pauvreté et favorise le développement dans les pays du Sud et en Outre-mer. Elle est présente sur quatre continents, dispose d’un réseau de 70 agences et bureaux, intervient dans 90 pays.

 

 Présentation de M. Eric JOURCIN, chef économiste du département Amérique latine-Caraïbe et de Sarah MORSI, coordonnatrice régionale Caraïbe.

 Les modalités d’intervention de l’AFD

Elle participe au financement des projets qui aident au développement, aussi bien pour permettre la croissance économique, la modernisation d’équipements et d’infrastructures, que pour des actions qui contribuent au respect de l’environnement et à la sécurité alimentaire.

Elle apporte son concours sous différentes formes, avec différents outils financiers,  de façon directe ou indirecte, en partie ou totalement : subventions, prêts, aides techniques principalement. Les financements sont de plus en plus rarement des subventions, les prêts deviennent la règle.

L’Agence est présente dans de nombreuses régions du monde, dans la Caraïbe et en Amérique latine, en Afrique subsaharienne, en Orient, en Asie.

 

Les stratégies dans ces zones d’intervention sont réajustées régulièrement, tous les 3 à 5 ans, pour tenir compte des évolutions sociales, économiques, politiques et naturelles (risques) qui sont permanentes.

 

L’AFD dans l’Outre-mer 

L’Agence investi à hauteur de 1 milliard d’euros par an sur la zone. Elle vient en soutien au secteur public, 40% des fonds en 2012. Le secteur social (logements…)  consomme une part notable de ces crédits alloués. Elle contribue aussi au financement du secteur privé. Elle relaie et représente, par ailleurs, la BPI (Banque publique d’investissement) dans ses missions.

Un exemple en Guadeloupe de l’intervention de l’AFD

L’AFD a approuvé l’octroi d’un prêt de 15 millions d’euros à la commune de Baie-Mahault pour le financement de son programme pluriannuel d’investissement 2009-2014.

Avec une population qui atteint 30.000 habitants, Baie-Mahault est aujourd’hui l’une des communes les plus actives du département, grâce à l’extension du Port autonome de la Guadeloupe sur son territoire et au développement de la zone d’activité industrielle et commerciale de Jarry.                                                                                                     (Source AFD)

 

La présence plus ancienne de l’AFD dans les DFA (1), a permis à son département « Amérique latine-Caraïbe (2)», de s’en servir comme relais et ainsi rayonner au-delà des territoires français pré-cités.  Outre les DFA, l’Agence a quand même eu l’occasion de réaliser des missions spécifiques dans la zone, en faveur par exemple d’Haïti.

Les caractéristiques de la zone d’après l’analyse de l’AFD

Les Caraïbes  apparaissent comme une région vulnérable et en perte de vitesse. Sur les plans géographique et environnemental, elle est marginalisée et exposée : risques naturels, éloignement, isolement, fragilité des écosystèmes. Au point de vue économique, elle souffre de certains handicaps : étroitesse des marchés, faible diversification, surcoût d’accès aux marchés extérieurs.  Le diagnostic de l’AFD fait aussi état de sociétés caribéennes  qui ont un capital humain faible et volatile, il évoque aussi une certaine insécurité. Par ailleurs, il met en évidence un essoufflement des moteurs de la croissance des secteurs traditionnels depuis les années 1980, à l’instar du déclin du secteur agricole.

Enfin, le constat souligne l’hétérogénéité et le manque d’intégration de la zone : disparités dans la taille des territoires et des populations, des niveaux et des structures économiques, des statuts politiques.

Au regard de toutes ces données, les processus d’intégration se complexifient, c’est aussi à la fois le résultat et la cause de la multiplicité des organisations régionales de la zone qui ont des stratégies et des objectifs disparates (AEC, ALENA, ALBA principalement).

 

Source : Atlas Caraïbe

 Les mandats d’intervention de l’AFD 

Ils concernent d’abord l’Outre-mer, c’est-à-dire les missions qui concernent les trois DFA et les deux collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. A partir de ces territoires, une zone de solidarité prioritaire a été définie et sert de cadre à une coopération régionale ciblée. Les projets qui en ressortent sont financés par l’AFD et ils doivent avoir un impact sur les DFA, avant tout.

Très récemment, des changements simplifient les axes d’intervention de l’Agence. Il n’y a plus que deux mandats, le cadre et les priorités définis pour l’Outre-mer ne changent pas. En revanche, l’éligibilité des autres actions est désormais conditionnée : les projets doivent se donner comme priorité une « Croissance verte et solidaire ».

Il faut désormais étudier les projets au cas par cas,  à cause des contraintes qui ne manquent pas d’apparaître,  des réajustements de certains programmes sont nécessaires en permanence, car certains pays, selon les indices retenus, deviennent trop riches pour pouvoir bénéficier des aides allouées. Trinidad constitue par exemple un cas particulier. Le pays est suffisamment riche pour ne pas bénéficier d’aides, cependant il fait quand même partie des bénéficiaires des crédits de l’AFD car la manne pétrolière est certes un moteur de sa croissance et de son enrichissement mais dans le même temps c’est une grave source de pollution. C’est ce dernier aspect qui lui permet d’être éligible, pour le soutenir dans un développement qui s’inscrit dans la durabilité.  A contrario, d’autres pays qui auraient bien eu besoin de l’aide de l’AFD, n’en reçoivent pas car des doutes sont émis à leur sujet (corruption, trafic, fiscalité off-shore).

D’une façon globale, plusieurs projets sont, ou, ont été  soutenus par l’AFD. Ces derniers concentrent l’essentiel de ses financements : en Haïti (reconstruction de l’hôpital), en  République dominicaine (prêts pour la construction de la ligne 2 du métro de la capitale), en Dominique (géothermie), au Surinam (santé et infrastructures routières et de santé).

Une nouvelle orientation et de nouveaux objectifs pour l’AFD

Avec l’arrivée aux affaires du nouveau gouvernement, il y a une redéfinition de l’engagement de la France en matière de coopération. La nouvelle orientation générale de l’Agence consiste désormais à soutenir tout projet qui valorise une croissance viable et durable comme réponse aux vulnérabilités.  Les ressources énergétiques insuffisantes, coûteuses y compris pour l’environnement sont souvent des freins au développement. Dès lors, l’AFD peut intervenir en favorisant le mix énergétique. L’Agence promeut aussi les stratégies qui valorisent les DFA et leur savoir-faire, disponible et experte pour accompagner les projets des territoires qui les entourent.


Une contractualisation à plusieurs échelles

L’AFD dans la zone Caraïbe-Amérique latine apporte une aide ciblée et sur mesure en coopération avec les acteurs des territoires concernés. Elle intervient ainsi à plusieurs échelles.

Tout d’abord, pour régler les défis environnementaux (climat, biodiversité…), le périmètre est global ainsi que l’approche, on prend en compte tout le bassin caribéen.

Puis, les actions peuvent être conduites au niveau infrarégional pour permettre par exemples l’interconnexion électrique (la géothermie en Dominique et la redistribution entre la Guadeloupe, la Martinique) ou encore la coopération hospitalière entre les Guyanes.

Enfin, le niveau bilatéral  offre la possibilité à deux Etats ayant des intérêts convergents à mener des actions concertées comme entre Haïti et la République dominicaine dans le cadre de la formation professionnelle : étudiants haïtiens qui vont acquérir certaines compétences ; des échanges de savoir-faire pour produire du café gourmet en Haïti grâce aux experts dominicains.

Les partenaires financiers et les autres contributeurs

Ils ont un rôle essentiel car, peu ou prou, ils financent les projets de coopération ou les rendent pérennes. Il y a en premier lieu les institutions financières et d’assurances comme la Banque mondiale, la Banque de développement des Caraïbes, la Banque  interaméricaine de développement, l’Union européenne à travers la Banque européenne d’investissement, le fonds d’assurance contre les catastrophes naturelles (CCRIF (3) ), le fonds de partenariat pour les écosystèmes critiques, la Banque andine de développement.

 

En parallèle, l’ARD s’appuie sur d’autres compétences qui proposent leurs expertises et leurs analyses stratégiques et réflexives.  L’AREC, grâce à l’Atlas électronique de la Caraïbe y contribue fortement, l’outil est salué par l’AFD. L’Institut des Amériques(4) , l’AEC, l’IEDOM sont aussi des partenaires privilégiés.


Les défis  actuels de la coopération

Le niveau d’endettement des Etats est assez élevé, ils sont très vulnérables aux chocs exogènes (catastrophes naturelles, crise du système bancaire mondial…). La faiblesse de la maîtrise d’ouvrage rend difficile l’émergence de projets viables et leur mise en œuvre. Les territoires éligibles ou susceptibles de l’être peuvent rarement proposer des contreparties qui garantiraient leur engagement. On assiste aussi à une montée en puissance de bailleurs des pays émergents qui sont peu soucieux des dysfonctionnements internes des pays concernés alors que l’AFD fait preuve au regard de certains d’exigences trop contraignantes.

 

Jean-Pierre BELLANGER

DOCUMENTS (5)

Accompagner les politiques de protection de l'environnment et de lutte contre le changement climatique

Accompagner les politiques urbaine intégratrices et créatrices d'activité

Le cadre d'intervention régionale de l'AFD en Amérique latine 

 

(1) Départements français d’Amérique

(2) Une création très récente, en 2009.

(3) Caribbean catastrophe risk insurance facility

(4) Création en mars 2007, organisme scientifique regroupant une trentaine d’établissement  d’enseignement supérieur et de recherche français. Le but est de fédérer des études sur les Amériques selon des approches transaméricaine et transdisciplinaire.

(5) La quasi-totalité des documents de cette note sont ceux publiés par l’AFD 

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